Sorti le mois dernier, March of the Eagles (MotE) est une addition bienvenue au catalogue déjà bien fourni des jeux de stratégies du studio de développement Suédois Paradox Interactive. Ce spin off, initialement développé par Paradox France (AGEOD) sous le nom de Napoleon's Campaign 2, vient servir d'interstice entre les deux colosses que sont Europa Universalis et Victoria. Pour info, Europa Universalis couvre une vaste période allant du haut moyen-âge jusqu'à l'orée du XIXe siècle-moment où Victoria prend le relais. Courant de 1805 à 1820 MotE vous plonge au coeur des guerres Napoléoniennes. Contrairement à ses illustres cousins ce titre délaisse les mécaniques de jeu du genre "grande stratégie" pour loucher clairement du coté du wargame. Ici peu ou prou de façonnage d'empires, seule la conquête importe.
Afin de faire connaissance avec ce nouveau venu dans la cours des simulations historiques j'ai opté pour une introduction en douceur avec un acteur mineur de la période. Nombreux sont ceux à avoir fait leurs armes à Victoria ou Hearts of Iron en choisissant une "petite" nation pour se donner le temps d'assimiler le gameplay. En bon Nissart que je suis le piedmont s'est imposé comme un choix naturel. Le temps de désactiver la pause et de faire un tour du propriétaire ainsi que des opportunités diplomatiques à ma disposition que j'étais déjà encanaillé dans une coalition contre la France. Quelques semaines passées qu'un petit Corse irascible débarquait sur les côtes sardes pour m'expliquer la vie. 48 heures plus tard Cagliari tombait aux mains des Français. J'étais vaincu.
Okay... S'il faut jouer gros bras, on va jouer les gros bras. Et niveau circonférence de biceps quoi de mieux qu'un conquérant Stambouliote ? Je vais leur montrer à ces damnés grognards ! Ni une ni deux, me voilà à la tête de l'Empire Ottoman. Le premier objectif est simple, récupérer ce qui nous revient de droit, l'Egypte et ensuite le Maghreb. Le temps de masser mes troupes à la frontière Egyptienne que Metternich lançait une offensive dans les Balkans. En quelques mois les troupes autrichiennes entraient dans Istanbul... Et merde ! Une expression typiquement Napoléonienne à en croire le trailer du jeu.
Mais d'abord, pourquoi est-ce que je vous raconte tout ça ? Pour faire court, la première chose qui m'a frappé en jouant à MotE en solo c'est le manque d'intérêt à jouer une petite nation. Je suis sûr que d'ici quelques semaines les power gamers du forum officiel auront tôt fait de conquérir l'Europe avec la Perse, la Tunisie ou le Piedmont, mais pour le joueur lambda que je suis c'est une autre paire de manches. Ensuite, parmi les grandes puissances disponibles certaines sont plus à même d'accomplir de grandes choses. A cet effet, sur l'écran de sélection un menu vous indique le niveau de difficulté du jeu suivant le pays choisit. Pour tirer la quintessence de son armée le joueur de MotE se doit de mettre les mains dans le cambouis et de sélectionner minutieusement les généraux à attribuer en fonction du terrain ou tout simplement des tâches qui leurs sont allouées (établir un siège, attaquer une armée ennemie...). Cette nécessité cependant s'amenuise en fonction de la nation jouée. Le poids de la mère Russie et de l'immense Empire d'Autriche s'est révélé trop imposant pour mes frêles épaules de newbie Ottoman. Par conséquent, pour ma troisième campagne, j'ai opté pour la plus grande puissance de l'époque la Grande-Bretagne la France, oui monsieur LA FRANCE !
Et là, l'expérience fut toute autre. Aux commandes de mes régiments de grognards j'ai maltraité à peu près tout le monde en Europe. Prussiens, Bataves, Autrichiens, Siciliens... tout le monde je vous dis. Partant du principe que "ce qui est bon pour les Français est bon pour tout le monde," mes hordes de hussards ont déferlé sur l'Europe. Seule la perfide Albion a résisté longtemps à mes assauts répétés ; les aigles marchent mais ne nagent pas ! Fort de mon succès j'ai pu me consacrer à l'accomplissement de mes objectifs. Chaque nation possède une série de provinces à contrôler pour espérer devenir la puissance hégémonique terrestre et maritime et ainsi gagner la partie. Dans le cas de la France il s'agit, en plus des provinces que l'ont possède déjà, d'avoir la main mise sur Barcelone, Venise, Trieste, Lübeck, Frankfort, Varsovie, Dublin etc... etc... En début de partie la liste d'objectifs peut paraitre intimidante, mais une fois l'équilibre des puissances si cher à la Grande-Bretagne brisé plus personne, à part vous-même, ne peut vous arrêter. J'avoue m'être dégonflé à l'idée d'envahir Moscou de peur de m'embourber dans une Bérézina du micro-management.
Le gameplay, bien que profond se révèle relativement accessible. Comme je le suggérais un peu plus tôt c'est le choix de votre nation qui décidera le niveau d'implication requis pour la gestion de vos armées. La France, L'Autriche et peut être la Russie ont suffisamment de ressources disponibles pour lancer de larges armées conquérir tout ce qui se dresse devant elles. Les puissances plus modestes en revanche devront être gérées avec plus de finesse et de stratégie en utilisant les capacités spéciales de leurs généraux ainsi que les bonus offerts par le terrain. Aussi, grâce au système de ralliement, déjà présent dans Europa Universalis III, Victoria II et Crusader Kings II, l'assemblage d'armées reste plutôt simple. On est loin des chaînes de commandes habituellement présentes dans les jeux AGEOD.
Pour conclure, je dois avouer avoir été plutôt séduit par ce March of the Eagles. A cause de son orientation résolument wargame je pensais ne lui accorder qu'une poignée d'heures avant de passer à autre chose. Au contraire, cette partie avec la France m'a captivé de bout en bout. Me décidant parfois tard dans la nuit à remettre au lendemain mes ambitions de conquêtes il m'est même arriver de peiner à trouver le sommeil, mon esprit trop occupé à échafauder des plans machiavéliques pour bouter l'Angleterre hors de Méditerranée ou repousser l'avancée Prussienne en Rhénanie. Pour une quinzaine d'euros, March of the Eagles se révèle être un très bon titre et à plus forte raison si le joueur possède un semblant d'intérêt pour cette période de l'histoire.